La population de Sourds s’élève à 466 millions d’individus selon des statistiques de l’OMS de 2018, soit 6,1% de la population mondiale. En Afrique, on dénombre 50 millions de Sourds, soit 14,1% (Organisation mondiale de la Santé 2020). Tandis que les Entendants utilisent le la canal audio-oral, les Sourds utilisent le canal visio-gestuel pour communiquer. Ce qui n’est en définitive qu’une différence de modalité communicative est devenu un handicap par la loi du plus grand nombre.
Ce statut pose des problèmes d’inclusion. Leur « handicap » n’étant pas directement visible, les Sourds en souffrent doublement, non seulement ils ne sont pas directement considérés comme handicapés, mais ont en plus des blocages liés à l’accès à la communication avec les Entendants, aux services de base et à la communication officielle et à l’éducation. Les langues des signes (LS) ne sont en effet pas ou peu connues de la population générale et ne sont absolument pas enseignées dans le système formel, même en option, tel que le sont par exemple les langues étrangères.
Pour ce qui est de l’éducation des Sourds, le tableau n’est guère meilleur au niveau des systèmes éducatifs. Il n’existe en effet que très peu d’écoles pour Sourds en Afrique de manière générale. Dans la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest, l’éducation des Sourds a été introduite par le Révérend Foster, missionnaire Sourd Afro-Américain. Son militantisme a eu certes l’avantage de proposer, une possibilité d’éducation formalisée pour les Sourds Africains, mais l’éducation offerte ne se fait qu’en langue des signes américaine (ASL).
Les langues des signes africaines ne sont ainsi pas prises en compte dans le système éducatif et dans la communication officielle lorsqu’elle existe. Les Sourds se retrouvent ainsi dans la même situation de diglossie que les Africains Entendants par rapport aux langues officielles, telles que le français ou l’anglais.
Ce manque de prise en charge des langues des signes africaines est imputable en grande partie à l’absence de résultats de recherche sur les LS du continent. Il existe en effet peu de chercheurs dans les départements et laboratoires de linguistique spécialisés dans la recherche sur ce type de langue. C’est l’écueil auquel l’activisme des associations de Sourds se heurte lorsqu’elles font un plaidoyer pour une éducation dans leur(s) langue(s). La Fédération mondiale des Sourds indique d’ailleurs qu’il est de ses missions pour les Sourds d’ « obtenir la reconnaissance et le respect de leurs propres langues des signes et cultures » (World Federation of de Deaf 2022)
La situation s’améliore cependant dans certains pays africains qui ont reconnu une langue des signes nationale, tels que le Kenya, l’Ouganda ou le Zimbabwe mais le chemin est encore long vers une éducation dans la LS reconnue. Il faut cependant noter le cas de l’Afrique du Sud qui offre une éducation en Langue des signes sud-africaine. En outre, les pays ne reconnaissent qu’une seule LS, faisant abstraction de la diversité linguistique (dialectale ou non) pouvant exister dans un même pays tel que cela a été documenté, notamment au Nigéria (Schmaling 1997; Blench, Warren, et UBS 2006; Orie 2013). Si les Sourds connaissent une prise en charge sociale meilleure par le biais de leur prise en charge dans les programmes étatiques en faveur des handicapés, l’absence de travaux sur leur(s) langue(s) entrave leur inclusion dans la communication officielle et dans l’éducation.
Cet atelier a pour objectif de donner un aperçu de la recherche en LS qui se fait sur le continent, particulièrement en Afrique de l’Ouest et de susciter un intérêt pour la recherche sur ce type de langue auprès des linguistes et des étudiants qui y assisteront. Il proposera ainsi un cours de de collecte de corpus et de transcription de LS et une table ronde sur les problématiques de recherche et d’éducation auxquelles les Sourds sont confrontés en Afrique de l’Ouest en général et au Sénégal en particulier.
Blench, Roger, Andy Warren, et Mallam Dendo UBS. 2006. « An unreported African sign language for the deaf among the Bura in Northeast Nigeria ». In Unpublished conference handout.
Organisation mondiale de la Santé. 2020. « Rapport mondial sur l’audition ». https://cdn.who.int/media/docs/default-source/documents/health-topics/deafness-and-hearing-loss/world-report-on-hearing/wrh-exec-summary-fr.pdf.
Orie, Ọlanik Ẹ Ọla. 2013. « From conventional gestures to sign language: The case of Yoruba sign language ».
Schmaling, Constanze. 1997. « Maganar Hannu: Language of the hands. A descriptive analysis of Hausa Sign Language ». PhD Thesis, Universität Hamburg.
World Federation of de Deaf. 2022. « Who We Are. Our Mission, Our Values, Our People ». WFD. 2022. http://wfdeaf.org/who-we-are/.
Nombre de participants attendus : 60 personnes
9h-9h15 : Ouverture de l’atelier
9h15-9h30 : Pause-café
9h 30 -13h : Collecte et transcription de corpus en LS
13h-15h : Pause déjeuner
15h-18h : Table ronde « Quel agenda pour la recherche et l’éducation dans les langues des signes africaines ? »