Chevalier de l’Ordre National du Mali, Amidou Maiga est Professeur au Département des Sciences du langage de l’Université de Bamako. Expert en éducation bilingue, ses intérêts de recherche se concentrent autour de la gestion des langues nationales africaines et du français dans l’enseignement primaire et secondaire en Afrique. Il a activement promu l’éducation bilingue à partir de différents postes qu’il a occupés à l’Organisation internationale de la Francophonie : en tant que responsable de projets d’abord, puis Directeur de l’éducation et de la formation, enfin en tant que coordinateur du programme ELAN-Afrique (École et langues nationales en Afrique). Dans son pays, le Mali, il a été Directeur national de l’enseignement normal et Conseiller technique du Ministre de l’éducation nationale. Il a en outre occupé au sein du gouvernement malien, les fonctions de Chef de cabinet du Ministre de la culture, Conseiller technique au Ministère de la culture et de la communication et Directeur national des arts et de la culture. Auteur de nombreux articles sur la situation sociolinguistique au Mali, la place des langues africaines dans l’enseignement en Afrique, le bilinguisme français-langues africaines et la gestion des initiatives d’alphabétisation au Mali, Prof. Maiga est président et membre fondateur de l’Association malienne des professeurs de langue française et membre du Comité scientifique international transculturel.
Plusieurs pays africains francophones au sud du Sahara sont engagés depuis bientôt quarante-cinq (45) ans dans une politique d’introduction des langues nationales dans leur système éducatif formel. Cet enseignement concomitant des langues nationales et du français est toujours dans une phase d’expérimentation. Aucun des pays engagés dans cette aventure n’est arrivé à passer du stade expérimental au stade de la généralisation. Les plus performants de ces pays sont arrivés à faire de l’expérimentation une extension progressive. Qu’à cela ne tienne, cette orientation commence à s’essouffler malgré les immenses efforts fournis par les pays à travers les nombreux financements et les innovations pédagogiques mise en œuvre (pédagogie convergente, approche équilibrée, approche ELAN etc.).
Cette dynamique a été tributaire de la linguistique générale saussurienne qui a été fortement sollicitée pour décrire et équiper les langues à tradition orale. Plusieurs outils furent réalisés : descriptions phonétiques, morphosyntaxiques, alphabets et règles de transcription, lexiques etc.
Face à ces différentes expériences introduisant les langues nationales dans le milieu scolaire, les résistances naissent à tous les niveaux, en amont et en aval. Alors, certaines interrogations se posent. La linguistique descriptive, alliée objective de cette expérimentation, pouvait-elle produire tous les effets de son ancrage épistémologique ? L’approche sociolinguistique n’aurait-elle pas pu corriger les effets pervers de l’approche d’un enseignement bilingue pensé en termes conflictuels, en lieu et place d’une articulation entre langues nationales et langues de communication internationale ? L’utilisation de la langue maternelle comme béquille pour mieux apprendre la L2 répond-elle, à elle seule, à l’évolution sociale d’exigence citoyenne de modernité ? Comment enseigner des langues nationales en les coupant de leur contexte social ?
La présente communication tente de répondre à ces différentes questions et propose de nouvelles pistes pour sortir de cette impasse. Un nouveau paradigme est à envisager face aux réalités sociales. La dimension sociale de la linguistique descriptive qui a été la seule alliée des expérimentations doit être désormais prise en compte en vue d’une politique linguistique dans le long terme non conflictuelle entre les langues visant un partenariat convivial et fonctionnel.